Pharmakon

Article Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pharmakos#Le_phármakon_dans_la_philosophie

En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le bouc-émissaire.

Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède. Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention : c’est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c’est une puissance destructrice. Cet à la fois est ce qui caractérise la pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste le danger et ce qui sauve. Toute technique est originairement et irréductiblement ambivalente : l’écriture alphabétique, par exemple, a pu et peut encore être aussi bien un instrument d’émancipation que d’aliénation. Si, pour prendre un autre exemple, le web peut être dit pharmacologique, c’est parce qu’il est à la fois un dispositif technologique associé permettant la participation et un système industriel dépossédant les internautes de leurs données pour les soumettre à un marketing omniprésent et individuellement tracé et ciblé par les technologies du user profiling.

La pharmacologie, entendue en ce sens très élargi, étudie organologiquement les effets suscités par les techniques et telles que leur socialisation suppose des prescriptions, c’est à dire un système de soin partagé, fond commun de l’économie en général, s’il est vrai qu’économiser signifie prendre soin. En particulier, Ars Industrialis appelle de ses vœux une pharmacologie de l’attention à l’époque des technologies de l’esprit.

En principe, un pharmakon doit toujours être envisagé selon les trois sens du mot : comme poison, comme remède et comme bouc-émissaire (exutoire). C’est ainsi que, comme le souligne Gregory Bateson, la démarche curative des Alcooliques Anonymes consiste toujours à mettre d’abord en valeur le rôle nécessairement curatif et donc bénéfique de l’alcool pour l’alcoolique qui n’a pas encore entamé une démarche de désintoxication.

Qu’il faille toujours envisager le pharmakon, quel qu’il soit, d’abord du point de vue d’une pharmacologie positive, ne signifie évidemment pas qu’il ne faudrait pas s’autoriser à prohiber tel ou tel pharmakon. Un pharmakon peut avoir des effets toxiques tels que son adoption par les systèmes sociaux sous les conditions des systèmes géographiques et biologiques n’est pas réalisable, et que sa mise en œuvre positive s’avère impossible. C’est précisément la question que pose le nucléaire.

source


Journaux liées à cette note :

J'utilise les LLMs comme des amis experts et jamais comme des écrivains fantômes #llm, #generative-ai

Un ami m'a posé la question suivante :

J'aimerais ton avis sur l'utilisation des LLM au quotidien (hors code). Les utilises-tu ? En tires-tu quelque chose de positif ? Quelles en sont les limites ?

Je vais tenter de répondre à cette question dans cette note.


Danger des LLMs : le risque de prolétarisation

Mon père et surtout mon grand-père m'ont inculqué par tradition familiale la valeur du savoir-faire. Plus tard, Bernard Stiegler m'a donné les outils théoriques pour comprendre cet enseignement à travers le concept de processus de prolétarisation.

La prolétarisation est, d’une manière générale, ce qui consiste à priver un sujet (producteur, consommateur, concepteur) de ses savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, savoir concevoir et théoriser).

source

Ici, j'utilise la définition de prolétaire suivante :

Personne qui ne possède plus ses savoirs, desquels elle a été dépossédée par l’utilisation d’une technique.

source

En analysant mon parcours, je réalise que ma quête d'autonomie technique et de compréhension — en somme, ma recherche d'émancipation — a systématiquement guidé mes choix, comme le fait d'avoir pris le chemin du logiciel libre en 1997.

Sensibilisé à ces questions, j'ai immédiatement perçu les risques dès que j'ai découvert la puissance des LLM mi 2023 .


J'utilise les LLMs comme des amis expert d'un domaine

Les LLMs sont pour moi des pharmakons : ils sont à la fois un potentiel remède et un poison. J'essaie de rester conscient de leurs toxicités.

J'ai donc décidé d'utiliser les IA générative de texte comme je le ferais avec un ami expert d'un domaine.

Concrètement, je continue d'écrire la première version de mes notes, mails, commentaires, messages de chat ou issues sans l'aide d'IA générative de texte.
C'est seulement dans un second temps que je consulte un LLM, comme je le ferais avec un ami expert : pour lui demander un commentaire, lui poser une question ou lui demander une relecture.

J'utilise les IA générative de texte par exemple pour :

  • vérifier si mon texte est explicite et compréhensible
  • obtenir des suggestions d'amélioration de ma rédaction

Tout comme avec un ami, je lui partage l'intégralité de mon texte pour donner le contexte, et ensuite je lui pose des questions ciblées sur une phrase ou un paragraphe spécifique. Cette méthode me permet de mieux cadrer ses réponses.

À ce sujet, voir mes notes suivantes :

Par respect pour mes interlocuteurs, je ne demande jamais à un LLM de rédiger un texte à ma place.

(source)

Lorsque je trouve pertinent un contenu produit par un LLM, je le partage en tant que citation en indiquant clairement la version du modèle qui l'a généré. Je le cite comme je citerai les propos d'un humain.

En résumé, je ne m'attribue jamais les propos générés par un LLM. Je n'utilise jamais un LLM comme un écrivain fantôme.


Seconde utilisation : exploration de sujets

J'utilise aussi les LLMs pour explorer des sujets.

Je dirais que cela me permet de faire l'expérience de ce que j'appellerais "de la sérendipité dirigée".

Par exemple, je lui expose une idée et comme à un ami, je lui demande si cela a du sens pour lui, qu'est-ce que cela lui évoque et très souvent, je découvre dans ses réponses des auteurs ou des concepts que je n'ai jamais entendus parler.

J'utilise beaucoup les LLMs pour obtenir un "overview" avec une orientation très spécifique, sur des sujets tech, politique, historique…

Je l'utilise aussi souvent pour comprendre l'origine des noms des projets, ce qui me permet de mieux m'en souvenir.

Voir aussi cette note que j'ai publiée en mai 2024 : Je constate que j'utilise de plus en plus ChatGPT à la place de DuckDuckGo.

Les limites ?

En matière d'exploration, je pense que les LLMs sont d'une qualité exceptionnelle pour cette tâche. Je n'ai jamais expérimenté quelque chose d'aussi puissant. Peut-être que j'obtiendrais de meilleurs résultats en posant directement des questions à des experts mondiaux dans les domaines concernés, mais la question ne se pose pas puisque je n'ai pas accès à ces personnes.

Pour l'aide à la rédaction, il me semble que c'est nettement plus efficace que ce qu'un ami serait en mesure de proposer. Même si ce n'est pas parfait, je ne pense pas qu'un LLMs soit en mesure de deviner précisément, par lui-même, ce que j'ai l'intention d'exprimer. Il n'y a pas de magie : il faut que mes idées soient suffisamment claires dans mon cerveau pour être formulées de façon explicite. En ce qui concerne ces tâches, je constate d'importantes différences entre les modèles. Actuellement, Claude Sonnet 4 reste mon préféré pour la rédaction En revanche, j'obtiens de moins bons résultats avec les modèles chain-of-thought, ce qui est sans doute visible dans les LLM Benchmark.

Par contre, dès que je m'éloigne des questions générales pour aborder la résolution de problèmes précis, j'obtiens pour le moment des résultats très faibles. Je remarque quotidiennement des erreurs dans le domaine tech, comme :

  • des paramètres inexistants
  • des parties de code qui ne s'exécutent pas
  • ...

Comment a évolué mon utilisation des LLMs depuis 2023 ?

J'ai publié sur https://data.sklein.xyz mes statistiques d'utilisation des LLMs de janvier 2023 à mai 2025.
Ces statistiques ne sont plus représentatives à partir de juin 2025, parce que j'ai commencé à utiliser fortement Open WebUI couplé à OpenRouter et aussi LMArena. J'aimerais prendre le temps d'intégrer les statistiques de ces plateformes prochainement.

Comme on peut le voir sur https://data.sklein.xyz, mon usage de ChatGPT a réellement démarré en avril 2024, pour évoluer vers une consommation mensuelle d'environ 300 threads.

Je suis surpris d'avoir si peu utilisé ChatGPT entre avril 2023 et janvier 2024 🤔. Je l'utilisais peut-être en mode non connecté et dans ce cas, j'ai perdu toute trace de ces interactions.

Voir aussi ma note : Estimation de l'empreinte carbone de mon usage des IA génératives de textes.


Combien je dépense en inférence LLM par mois ?

De mars à septembre 2024, 22 € par mois pour ChatGPT.
De mars à mai 2025, 22 € par mois pour Claude.ia.

Depuis juin 2025, je pense que je consomme moins de 10 € par mois, depuis que je suis passé à OpenRouter. Plus d'informations à ce sujet dans : Quelle est mon utilisation d'OpenRouter.ia ?


J'aurais encore beaucoup à dire sur le sujet des LLMs, mais j'ai décidé de m'arrêter là pour cette note.

Pour aller plus loin sur ce sujet, sous un angle très technique, je conseille cette série d'articles sur LinuxFr :

Et toutes mes notes associées au tag : #llm